Alicia Philibin-Kayser est avocat en droit du travail au service des employeurs,avocat en droit social et partenaire formation à Paris Marne la Vallée.

Nouvelles règles d’acquisition de congés payés en cas d’arrêt maladie

La loi n°2024-364 du 22 avril 2024 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union Européenne est venue mettre en conformité la loi française d’acquisition des congés payés en cas d’arrêt maladie non professionnelle tout en complexifiant les règles de décompte, étant précisé que cette loi est rétroactive au 1er décembre 2009.

Modification des règles d’acquisition des congés payés en cas d’arrêt de travail

Jusqu’à la loi du 22 avril 2024, le Code du travail permettait au salarié en arrêt pour Accident du travail (AT) ou Maladie professionnelle (MP) d’acquérir des congés payés uniquement pendant la première année d’arrêt, tandis que les salariés en arrêt de travail pour maladie non professionnelle se voyaient tout simplement refuser l’acquisition de congés payés.

 

Ces dispositions ont toujours été non conformes à la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne, la Cour de Justice de l’Union Européenne considérant que la durée minimale du congé annuel de 4 semaines est un droit « qui ne peut être subordonné à l’obligation d’avoir effectivement travaillé pendant la période de référence ».

 

Dans des arrêts retentissants du 13 septembre 2023, la Cour de Cassation, après de nombreux rapports adressés au Gouvernement depuis 2013, a décidé d’appliquer directement le droit européen et d’écarter les dispositions légales françaises non conformes.

 

C’est ainsi que la loi du 22 avril 2024, applicable depuis le 24 avril 2024, est venue régulariser la situation en modifiant les articles L. 3141-5 et suivants du Code du travail et en prévoyant les règles d’acquisition suivantes :

 

  • les salariés en arrêt pour AT/MP acquièrent des congés payés sans limitation de durée, à hauteur de 2,5 jours ouvrables par mois ;
  • les salariés en arrêt pour maladie non professionnelle acquièrent des congés payés à hauteur de 2 jours ouvrables par mois, dans la limite de 24 jours (4 semaines) par période de référence.

De nouvelles règles de report et une obligation d’information à la charge de l’employeur

Les règles de report des congés payés ont également été précisées :

 

  • Délai de report : 15 mois, sauf délai plus long prévu par un accord d’entreprise ou une convention collective nationale (CCN).
  • Principe : Le délai court à compter de l’information par l’employeur.
  • Exception : Si le salarié est en arrêt continu depuis 1 an, le report court à compter de la fin de la période d’acquisition et non de l’information de l’employeur suite au retour au travail.

L’employeur doit informer le salarié dans le mois suivant la reprise du travail, par tout moyen permettant de conférer date certaine (une simple mention sur le bulletin de paie suffit), du nombre de jours de congés dont il dispose et de la date jusqu’à laquelle ces congés peuvent être pris (période de report).

Rétroactivité au 1er décembre 2009 et délais d’action

Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugées ou de dispositions conventionnelles plus favorables, la loi est rétroactive au 1er décembre 2009, ce qui correspond à la date d’entrée en vigueur du traité de Lisbonne qui a rendu d’application directe les règles posées par la Charte des droits fondamentaux de l’UE.

 

En pratique, pour chaque salarié concerné, l’employeur doit vérifier, depuis le 1er décembre 2009, si les salariés ont bien acquis les congés qui leur étaient dus.

 

Par exemple, pour la période d’acquisition 2010-2011 :

  • Si un salarié a été en arrêt maladie de 2 mois sur la période d’acquisition et a acquis 25 jours de CP (10 x 2,5), il ne peut pas agir sur cette période car son compteur dépasse les 24 jours ouvrables.
  • Si un salarié a été en arrêt maladie de 4 mois et a acquis 20 jours de CP (8 x 2,5), il peut agir pour solliciter l’octroi de 4 jours supplémentaires.

 

Enfin, les salariés toujours en poste ont 2 ans à compter de l’entrée en vigueur de la loi, soit jusqu’en avril 2026, pour réclamer les jours de congés dont ils ont été privés entre 2009 et 2024.

 

Quant aux salariés ayant quitté les effectifs avant le 24 avril 2024, la prescription de droit commun de 3 ans s’applique.

 

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